Une Semaine sainte au fond du lit !
J’ai traversé une étrange Semaine sainte ! Le Covid m’a saisi juste au moment où l’Église célébrait le moment le plus important de l’année liturgique. Coincé dans ma chambre, j’entendais les échos des célébrations dans l’église à travers les cloisons. Je tentais de prendre tout cela avec autant de philosophie que de foi : nul n’est indispensable, et tout ne dépend pas de soi. L’Église n’est-t-elle pas d’abord communion ? Avec une conviction : je ne suis jamais seul à porter le témoignage de la foi. Les murs qui nous séparent, nos faiblesses, nos maladies, et même notre péché ne sont pas des obstacles à cette communion. Maintenu à distance, ce fut pour moi l’occasion de prendre du recul. Je partageais le sort de tant de personnes qui n’ont pas la force, les moyens ou la volonté de rejoindre nos communautés chrétiennes.
Je me rappelais que lorsque Jésus vécut la Semaine Sainte avec ses disciples, il y eut aussi peu de témoins pour saisir le sens profond de ce qui se jouait pendant ces saintes journées. Le Jeudi saint, au moment du dernier repas de Jésus avec ses disciples, les voisins de la chambre haute n’ont pu entendre au travers des murs ou de la clôture que des murmures, des silences, des rires peut-être… Indifférents ou curieux, ils restèrent ignorants des évènements. Le Vendredi saint, la mort de Jésus n’était-elle pas une énième exécution parmi d’autres ? Il y en avait tellement durant l’occupation des Romains ! Comment ne pas se sentir impuissants devant la violence de l’occupant, et préférer oublier cela, heureux tout simplement de survivre à tout cela ? Même les disciples s’éloignèrent du Christ pour l’abandonner seul à son calvaire. Dans la nuit de samedi à dimanche, beaucoup étaient au fond de leur lit en Palestine, sans savoir qu’un événement extraordinaire se passait au cœur des ténèbres. Le dimanche de Pâques, une rumeur est colportée par quelques femmes : un tombeau a été vidé de son occupant, et il aurait été vu vivant. Combien de personnes jugèrent alors cette annonce comme une fake-news ou le fruit de l’hystérie de quelques fanatiques : « Tout cela sera très vite oublié, il n’y a pas de quoi fouetter un chat ! »
Dans la chambre ou j’étais enfermé, je n’ai pas eu d’expérience spirituelle extraordinaire. Mais je laissais le Seigneur prendre soin de moi. Je n’étais plus le maître de cérémonie : c’était Lui dorénavant. Ce n’était que justice ! Au travers de cet imprévu, Dieu me donnait l’occasion de le retrouver. Dans cette retraite forcée, je pouvais dire avec Saint Pierre : « Jésus, tu as les paroles de la vie éternelle. Vers qui d’autre irais-je ?»
Souvent nous pensons que nous sommes loin du Seigneur. Or il est là, « au cœur de nos vies », comme le chante un vieil hymne de nos assemblées. Je rends grâce pour tout cela.
P. Michel Protain