« L’éternité n’est pas de trop »
est une œuvre admirablement écrite, dans laquelle il faut se laisser porter par les mots, les phrases, le rythme, les images.
Le roman n’est pas seulement bien écrit : c’est aussi le roman de l’infini du désir.
Ce désir que l’on croit pouvoir tellement vite assouvir dans notre monde contemporain qu’il ne peut atteindre l’intensité que Dieu veut lui donner.
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Résumé bref du roman
C’est l’histoire d’un homme amoureux d’une femme qui est promise à un autre. Parti, en tant que moine, il revient 30 ans après retrouver celle qu’il a toujours aimée et n’a jamais oubliée. Elle aussi est restée dans sa pensée, fidèle à lui.
Durant son voyage de retour, beaucoup de personnnes avec lesquelles des échanges profonds se créent; dont des jésuites dont le discours l’intrigue beaucoup!
Se retrouvant, tous deux consacrent ensemble leurs vies aux autres.
Et c’est en donnant qu’ils s’aiment: regarder ensemble vers la même direction.
{Ils s’aiment d’un amour chaste, amour partagé qui remplit les deux héros de bonheur.
St Augustin ne disait-il pas en parlant de la prière à laquelle Dieu nous invite : » Le Seigneur veut que notre désir s’excite par la prière, afin que nous soyons capables d’accueillir ce qu’il s’apprête à nous donner » (Lettre à Proba sur la prière). » François Cheng a du lire St Augustin ?
» L’intimité née de deux mains , ou de deux cœurs qui s’impriment l’un dans l’autre.
» Mon retour fut vers le sourire qui m’avait ébloui une fois pour toutes. C’est là que ma vie avait vraiment commencé, c’est là que ma vie devait s’achever. » (p. 88)
Extrait:
» Peu à peu, elle reconnaît le visage de chaque fleur, sait donner à chacune un nom. Quand elle appelle les fleurs par leur nom, elle a l’impression de s’entendre appeler par son nom le plus intime. Ce nom intime – Lan-ying, » Fine orchidée » – utilisé dans l’enfance, délaissé peu après son mariage au bénéfice d’une appellation plus respectable – Ying-niang, » Dame Ying » -, rendu à son éclat premier par quelqu’un qui n’a connu que ce nom et qui, toute sa vie, a tendu vers lui. Ce nom si chargé de la pensée de l’autre la rend à sa plénitude d’être, tel ce jardin renaissant grâce aux fleurs qui recouvrent leur beauté et leur nom. »
Symbole de l’attente, de l’espoir, du désir… : la poésie
François Cheng nous donne lui-même une clef essentielle : la poésie seule peut exprimer le désir, car la poésie n’est jamais directe;
Dans L’éternité n’est pas de trop il nous a montré ce que dit le poète pour mettre sens et désir dans son propos…
» Pour exprimer la nostalgie du pays natal, si l’on dit : » J’aimerais revoir le pays « , c’est direct, mais c’est court. En revanche, lorsque le poète dit :
» Les froides branches de prunus devant la fenêtre
Ont-elles fleuri quand le printemps est là ?
Il se remémore le passé, s’imagine le présent et confie son espoir en l’avenir : puisque les branches de prunus fleurissent tous les ans, il aura la chance de les retrouver un jour. Ou alors les retrouver ailleurs : là où fleurissent les prunus, là est le pays natal. »
» Lui seul [le Verbe] en vérité est délicieux, désirable et aimable. Et la jouissance que nous avons de lui est toujours le point de départ d’un plus grand désir, car elle fait croître le désir par la participation même de biens. » (Hom. sur Cant. des Cant., Hom. 1).
C’est pourquoi l’éternité n’est pas de trop!
Guîta
Biographie
François Cheng est un écrivain, poète et calligraphe français né le 30 août 1929 en Chine.
Issu d’une famille de lettrés, il arrive en France en 1949, où il mène une carrière universitaire. Il se lance aussi dans des traductions de poèmes.
Il n’a commencé à publier des livres en français qu’assez tard, d’abord sur la peinture chinoise, mais aussi des œuvres poétiques. Ayant acquis selon lui assez d’expérience, il peut ensuite se lancer dans l’écriture de romans.
Le 13 juin 2002 il est entré à l’Académie française. C’est le premier asiatique à faire partie de cette institution.
à lire du même auteur: » Le dit de Tianyi »