Alain Mbonzima, C.S.Sp.
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Dimanche, 07 novembre 2010 : homélie du 32ème dimanche C
Tout au long de ce mois de novembre, nous prions pour nos défunts. Nous nous sommes rendus au cimetière pour un temps de recueillement et de prière. La coutume dans notre paroisse est de célébrer à cette période une messe spécialement pour tous les défunts de l’année. En nous rassemblant pour l’eucharistie, nous les confions tous au Seigneur. Nous pensons aussi à toutes les victimes des guerres, des violences, des catastrophes et de la misère. Ce qui motive notre prière, c’est notre foi en la résurrection. C’est précisément la bonne nouvelle que nous venons d’entendre proclamer dans l’évangile: "Il n'est pas le Dieu des morts mais des vivants."
Nous chrétiens d'aujourd'hui, nous sommes habitués à entendre ce message sur la résurrection. Il fait partie de notre foi. Mais à l'époque de Jésus, on était divisé à ce sujet. Les pharisiens l'acceptent. Mais les sadducéens, plus conservateurs, la refusent parce qu'elle n'est pas inscrite dans la loi de Moïse. Ces derniers veulent confondre Jésus en lui présentant une situation surréaliste. C'est l'histoire de cette femme qui a épousé sept frères dans l'espoir de donner une descendance au frère aîné défunt. De qui sera-t-elle l'épouse lors de la résurrection des morts ? Cette histoire nous aide à comprendre quelle est notre représentation spontanée de la durée, de la continuité et de la transmission. En fait, nous nous préoccupons d’abord de savoir s’il y aura une suite à notre vie, non pas dans l’au-delà, mais ici-bas.
La réponse de Jésus est double ; tout d'abord, il nous dit que dans l'au-delà, les relations conjugales et la génération humaine sont dépassées. Il n'est plus question de concevoir la vie future de manière terrestre et matérielle. Puis vient l'argument en faveur de la résurrection. Pour cela Jésus s'appuie sur la révélation de Dieu à Moïse : Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob n'est pas le Dieu des morts mais des vivants. A la suite de ces patriarches et de bien d'autres croyants, nous sommes appelés à une vie nouvelle que Jésus appelle le Royaume de Dieu. Ce monde nouveau n'est pas la continuation de celui dans lequel nous vivons actuellement. Il est tout autre. La Résurrection ne sera pas simplement un geste de Dieu pour assurer que tout ce que nous connaissons sera bien conservé et continuera ! Elle est le don d’une existence nouvelle, dans laquelle la continuité n’y est plus assurée par la génération des enfants, mais par la permanence de Dieu. Ceux qui ressusciteront seront « des fils de Dieu » et vivront « pour Lui », dit Jésus (Lc 20, 36 et 38). Au ciel, la relation entre les êtres ne se traduira plus par des relations marquées par la temporalité, comme nous en avons l’habitude dans notre vie, mais par des relations d’éternité, comme c’est le cas pour les anges. Bref, nous sommes invités à ne pas vainement imaginer une forme de poursuite de ce monde au-delà, mais à nous préparer à l’inauguration d’un monde nouveau. C'est de cela que nous devons nous rappeler chaque fois que nous nous rassemblons à l'église pour des funérailles et aussi chaque fois que nous évoquons le souvenir de nos défunts.
Plus profondément encore, nous sommes invités à reconnaître que ce monde nouveau auquel Dieu nous appelle est déjà commencé, puisque nous y entrons par le baptême et y demeurons par la communion au Christ. Rappelez-vous la lecture faite le jour de la Toussaint : « Enfants de Dieu nous le sommes déjà, mais ce que nous sommes ne paraît pas encore » (1 Jn 3, 2). Déjà ce monde de la vie qui ne finit pas, du Dieu des vivants, ce monde de la transparence et de la communion entre les êtres est une réalité en notre temps. Mais c’est une réalité encore en germe, en cours de développement, de fructification, une réalité qui n’est pas achevée, une espérance qui nous soutient à travers le temps de notre vie.
Dans le récit des martyrs d’Israël, la question de cette réalité, de cette participation à la vie divine en ce temps que nous vivons, est posée de façon radicale, par l’alternative proposée aux 7 frères : renier Dieu et sa loi sous la contrainte ou périr. A travers le sacrifice de leur vie qu’ils font sous les yeux de leur mère, se manifeste qu’en ce monde, dans notre expérience et notre existence humaine, il y a quelque chose de plus radical et de plus important que notre vie elle-même. Ce fondement de notre vie, qui y est inscrit mais qui la dépasse, c’est le sens ultime de notre vie. Il ne vaut pas la peine de vivre si c’est au prix du reniement du sens de notre vie.
Il y a dans notre vie des enjeux plus importants que notre vie elle-même. Aujourd’hui comme hier, pour être fidèle au Christ, il y a des moments où il faut que nous acceptions de renoncer à un certain nombre de biens que nous possédons, ou à la réputation que nous avons, ou aux commodités de notre vie. Etre vraiment disciples du Christ, c’est habiter cette terre et cette existence humaine historique avec la
certitude que Dieu veut la conduire vers un achèvement qui dépasse ce que nous connaissons. Cette perspective de foi a des conséquences concrètes dans nos existences. Les éluder serait perdre le sens même de la vie humaine.
Ce fondement de notre vie est à la fois notre espérance : ce qui nous permet de vivre et l’exigence qui nous permet de relativiser tout ce que nous avons, tout ce que nous avons reçu, tout ce que nous espérons transmettre, tout ce que nous sommes, tout ce que nous sommes devenus grâce à Dieu. Tout cela est second par rapport à la dignité inouïe que Dieu nous donne d’être vraiment ses enfants et de vivre en lui.
Frères et sœurs, prions Dieu. Que la foi qu’il a mise en nos cœurs nous aide à comprendre la puissance de transformation qu’il inscrit dans l’histoire humaine, quand il nous invite à vivre dès ici-bas comme le Christ. Que cette puissance de transformation nous aide à attendre le ciel, non pas comme la continuation de ce que nous vivons, mais comme un monde nouveau dans lequel ce que nous connaissons sera transformé et mené à son accomplissement. Amen.
Alain Mbonzima, C.S.Sp.