Le samedi 28 février 2020, le CCFD-Terre Solidaire a organisé à Bagneux une conférence-débat sur la situation et les conséquences de la déforestation en Amazonie.
En introduction, Paul Mathis, bioclimatologiste, a rappelé quelques données de base, à savoir que la forêt amazonienne s’étend sur une superficie grande comme 10 fois la France et qu’elle se répartit sur neuf pays, majoritairement au Brésil, mais aussi en Guyane française.
C’est une forêt tropicale humide, victime d’incendies causés volontairement par l’homme pour principalement étendre des cultures de rente (pâturages pour l’élevage de bovins et culture du soja).
La destruction de cette forêt est très rapide puisqu’on estime que sur les 25 dernières années, un quart de sa surface a disparu. Ainsi elle perd 1% de sa superficie chaque année, ce qui représente l’abattage de 3.9 milliards d’arbres.
Les conséquences sont dramatiques : expulsion des Amérindiens de leurs terres, forte augmentation des émissions de CO2 avec les incendies, baisse de la capture de CO2 par les arbres, dégradation rapide des sols mis à nu.
Le père Joachim Njoku, en poste pendant 22 ans en Guyane française, a assisté dans ce département français à une déforestation due davantage à l’exploitation aurifère (orpaillage) qu’aux incendies. Un grand projet russo-canadien – Montagne d’or – a été stoppé par le gouvernement français, mais jusqu’à quand ?
Non seulement les sols deviennent rapidement arides, mais les produits toxiques utilisés pour l’orpaillage (mercure) entraînent une forte pollution des terres et des eaux, qui provoque des handicaps lourds dans la population, notamment des malformations de nouveau-nés.
Par ailleurs, ce changement de mode de vie – abandon de l’agriculture vivrière au profit de l’orpaillage – génère un taux de suicides important chez les amérindiens.
Compte-tenu de la perméabilité des frontières entre la Guyane française, le Brésil, le Surinam, il est nécessaire d’établir une coopération forte entre ces pays pour freiner la dégradation de la nature.
Il s’agit d’un combat écologique mais aussi moral, qui est commun à tous les pays de la région, afin de de réconcilier les besoins de l’homme avec le respect de la nature. Cela passe par la création d’emplois pour un développement durable, s’appuyant sur l’exploitation raisonnée du bois, le tourisme et une agriculture non extensive.
Walter Prysthon, brésilien vivant en France depuis 20 ans, coordinateur des programmes CCFD pour l’Amérique latine, nous lance un cri d’alerte : si rien n’est fait, la dégradation de la forêt amazonienne, tant par les incendies que par l’appauvrissement des sols, aura atteint un point de non-retour vers 2050 !
Contrairement à certaines affirmations, l’Amazonie n’est pas une zone vide qu’il faut exploiter, les forêts ne sont pas que des arbres, mais des espaces et des milieux bien vivants, avec des peuples dont l’existence obéit à des repères ancestraux de vie en commun et de rapports harmonieux avec la nature, et qui, pour une centaine d’entre eux, n’ont eu aucun contact avec la civilisation moderne.
La multiplication des incendies ces derniers mois n’est pas due à la sécheresse, mais à la poursuite de l’action volontariste de grands fermiers brésiliens qui organisent des Journées du Feu, en appui aux déclarations du président Bolsonaro qui les exhorte à développer l’activité économique en Amazonie. Un chiffre : en 2018, à chaque minute, c’est la surface de trois terrains de foot de forêt qui est partie en fumée !
Cette déforestation ouvre ainsi la voie à la création de vastes surfaces par des conglomérats de l’agro-business pour des cultures extensives (soja, canne à sucre) et l’élevage de bêtes à viande destinée à l’exportation. Mais elle permet aussi l’exploitation pétrolière, minière – notamment aurifère -, et le commerce international des bois de coupe, composés d’essences rares et recherchées.
Les peuples qui habitent cette région vivent dans un environnement fortement dégradé et sont menacés de disparition si rien ne change.
Mais au-delà de ces peuples, c’est nous tous qui sommes concernés par les conséquences d’un modèle économique destructeur.
L’homme doit retrouver sa place en harmonie avec la nature, et comme le dit le pape François, il ne faut pas raisonner en séparant les enjeux économiques, sociaux et environnementaux.
Il faut soutenir, en lien avec les partenaires du CCFD-Terre solidaire, les actions locales qui vont dans ce sens. Le 22 mars 2020 va s’ouvrir en Colombie le Forum Social Panamazonien auquel participe le CCFD ; il a pour mission de fédérer les identités et les actions des peuples amazoniens afin d’assurer leur survie et de s’opposer aux projets économiques destructeurs de l’environnement.
Aussi, dans nos pays, nous devons participer aux campagnes de dénonciation des violences faites aux peuples qui souffrent, et adopter une attitude vigilante sur nos législations nationales mais aussi sur les entreprises qui participent à la dégradation des conditions de vie et d’environnement dans cette zone géographie vitale pour notre humanité.
Odile et Claude Desplanches.