Après un rapide rappel sur Saint Paul et sur ses lettres (celles que l’ensemble des exégètes authentifie et qui sont au service de la prédication et de la relation avec les communautés), Remi aborde les thèmes essentiels de la lettre aux Romains (Rom,16-17). Les concepts clés s’appuient d’une part sur les termes de Justification (voir aussi justice, jugement, juste) et d’autre part sur ceux d’Evangile et de Promesse. Remi propose de se centrer sur ces deux derniers mots clés pour aborder la question posée : la justification est elle un jugement ou une transformation ? [NB : les lettres de Paul portent souvent sur les problèmes posés par le fait que les chrétiens sont soit des Juifs, soit des anciens païens, c’est-à-dire des non-Juifs]
La justification s’appuie sur l’alliance du Sinaï : « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. Les dix commandements illustrent le rite d’alliance, à l’image d’un traité de vassalité entre un roi et ses vassaux. Quand le peuple applique les commandements il est juste parce que fidèle au contrat. Dieu, lui, est juste en garantissant qu’il conduira le peuple au pays promis à Abraham. Mais Paul se réfère surtout l’alliance avec Abraham car celle-ci comprend trois dimensions essentielles : la descendance, la terre et la bénédiction.
La vie d’Israël est gouvernée par la Thora : est juste celui qui l’applique. Dans la parabole du pharisien et du collecteur d’impôts (Luc 18, 9-14), le pharisien rend grâce à Dieu et dit tout ce qu’il fait en application de la Loi. Pourtant c’est le collecteur qui est justifié par Jésus, alors que c’est le pharisien qui aurait dû l’être. Dieu serait-il donc injuste ? Est-il cohérent avec lui-même ? Il faut bien reconnaître que la justification est aussi un jugement de Dieu. C’est un constat : en me justifiant, Dieu reconnait mon innocence. De même le châtiment (c’est à dire l’exil), avait été accepté par les Juifs car c’était un jugement de Dieu, pour les punir de leur infidélité. Par le fait que Dieu est juste, il peut exister une justice rétributive (ou distributive) et une justice miséricordieuse (Psaume 143). Pour Paul, il faut tenir compte de la miséricorde, ce don de Dieu qui se réalise en Jésus Christ.
Mais Dieu en jugeant par miséricorde, est-il juste par rapport à l’alliance ? Est-il toujours juste quand il change les règles ? Paul va chercher à démontrer que toute l’humanité met en fait la Loi sur la touche et il va préciser une autre relation avec Dieu.
L’Evangile. Pour comprendre ce dont parle Paul, il faut lire l’action de grâce de la lettre aux Thessaloniciens (1Th 1,3-10). Ceux-ci ont mis en œuvre une foi active, l’amour et la persévérance (les trois vertus de foi, de charité et d’espérance). Ils ont été élus par Dieu, c’est un peuple choisi. Paul s’adresse à eux, qui étaient païens (et non Juifs), qui ont été choisis, élus, et se sont constitués en Eglise (La Kahal, l’Assemblée de Dieu). Ce sont les mêmes relations avec Dieu que celle des Juifs ! Là est la « Bonne Nouvelle », celle d’Abraham (Ga 3,1-8) c’est-à-dire prévue par Dieu puisque toutes les nations ont été bénies. Tous les croyants sont bénis par Abraham.
Paul associe justification et bénédiction. Il expose ses arguments dans la lettre aux Galates (Ga3, 6-29) : la bénédiction d’Abraham parvient aux païens par Jésus, qui lui-même est annoncé comme descendance d’Abraham. « Il n’y a plus ni Juifs ni Grecs ; ni esclaves ni hommes libres, ni homme ni femme, car tous vous n’êtes qu’Un en Jésus Christ », selon la Promesse (Gal 3, 28). Cette promesse, c’est celle faite à Abraham.
La Bonne Nouvelle de Paul c’est l’appartenance de toute l’humanité au peuple de Dieu par Jésus Christ selon la promesse faite à Abraham. La Promesse (celle faite à Abraham, à toute l’humanité) était avant la Loi (celle de Moïse, donnée au seuls Hébreux). Antérieure, et donc supérieure. D’où une opposition entre Evangile (Bonne Nouvelle) et Loi.
La Déclaration commune sur la justification n°22-24. Dans la déclaration commune entre catholiques et luthériens, la Bonne Nouvelle est liée à la justification. Il est dit que c’est « simultanément » que Dieu pardonne le péché et qu’il porte une vie nouvelle. Il y a consensus entre catholiques et les luthériens, mais ce consensus est « différencié » : pour les luthériens, il s’agit d’une déclaration ; pour les catholiques, la grâce qui pardonne est toujours liée au don d’une vie nouvelle.
Est-ce encore un concept d’actualité ? La question à se poser est : qu’est ce qui justifie ma raison d’être ? Nous cherchons à nous réaliser par notre travail, par nos œuvres. Qu’avons-nous à mettre dans la balance pour que Dieu nous considère ? Dieu nous aime quoique nous fassions : c’est là une bonne nouvelle libératrice.