Ce samedi 11 mars 2023 a eu lieu à Bagneux une conférence organisée par le CCFD-Terre Solidaire avec la participation de Philippe Tellier, membre de la commission souveraineté alimentaire au CCFD-Terre Solidaire.
La très forte hausse actuelle des prix des denrées alimentaires concerne l’ensemble de notre planète mais touche encore plus durement les pays en situation chronique d’insécurité alimentaire. On estime qu’il y a insécurité alimentaire lorsque les populations n’ont pas accès à suffisamment de nourriture pour subvenir à leurs besoins essentiels. Cette précarité s’est fortement aggravée ces dernières années et concernerait 2,4 milliards de personnes, soit 30% de la population mondiale, estimée à 8 milliards de personnes. Parmi cette population en insécurité alimentaire, 768 millions de personnes sont actuellement en sous-alimentation critique et les projections en 2030 montrent que la situation ne devrait guère s’améliorer.
Si l’Asie est le continent où l’on dénombre la plus forte population soumise à l’insécurité alimentaire avec 490 millions de personnes, c’est l’Afrique qui affiche les taux les plus élevés, 40 à 45% de la population dans certains pays.
Quelles en sont les causes ? Ce n’est pas un déficit de production agricole générale car si depuis 1969, la population a doublé, la biomasse – qui sert de substrat à la culture agricole – a été multipliée par 2,5. Par ailleurs, si les biens alimentaires disponibles actuellement sont supérieurs aux besoins, leur distribution est mal répartie et le gaspillage en détruit énormément, plus de 30% de la production.
Les dérèglements climatiques – générant sècheresse ou inondation – pénalisent fortement la production de biens alimentaires. La permanence des conflits armés dans de nombreuses régions du globe et les profondes inégalités politiques, économiques et socio-culturelles – avec le patriarcat qui bloque souvent l’accès des femmes aux processus de décision et d’organisation – sont des facteurs qui augmentent la précarité alimentaire.
Avec l’accaparement des terres – par des groupes privés ou des Etats -, et la déforestation à une échelle massive, on assiste à des productions intensives de biens (soja, canne à sucre) destinés à l’exportation au détriment des productions locales nécessaires à l’alimentation locale.
Au niveau des causes plus conjoncturelles, la pandémie du Covid 19 et la guerre en Ukraine ont profondément déstabilisé les échanges mondiaux avec la hausse vertigineuse des prix des produits agricoles (le blé notamment) mais aussi des engrais et de l’énergie (pétrole, gaz). Cela a créé un affolement et une spéculation effrénée sur les marchés à terme du pétrole et des denrées agricoles, générant des pénuries préjudiciables pour les pays dépendant presque exclusivement des exportations de blés russe ou ukrainien comme par exemple l’Egypte.
Quels sont les remèdes ? Le CCFD-Terre solidaire participe au Comité sur la Sécurité Alimentaire, placé sous l’égide de la FAO. Il regroupe des Etats et des ONG, œuvre pour de meilleures pratiques en matière de production agricole et se veut le porte-parole des pays les plus démunis sur le plan alimentaire. Il préconise notamment un encadrement des marchés des matières premières agricoles pour contrer la spéculation financière et demande la suspension de la dette des pays en voie de développement.
La lutte contre l’insécurité alimentaire passe aussi par une orientation résolue vers l’agroécologie afin de permettre aux populations de cultiver ce dont elles ont véritablement besoin, en favorisant la polyculture dans le respect de l’environnement.
Odile et Claude Desplanches