Lettre à un ami qui sera ordonné diacre « en vue » du sacerdoce
En ce mois de janvier, quelqu’un de ma connaissance va devenir diacre « en vue » du sacerdoce. Je lui ai écrit une lettre à la veille de son ordination. Je vous en partage quelques extraits.
Cher ami,
Après un si long temps de formation, tu seras enfin ordonné diacre. « En vue » du sacerdoce, selon la formule consacrée. Une heureuse expression : tu es désormais « en vue » du sacerdoce. Tu es donc censé avoir pris assez de hauteur pour regarder « en face » l’ampleur de la tâche. Tu peux désormais répondre positivement à ton appel, c’est à dire de la manière la plus valide qui soit : librement. Je refuse de parler à ton sujet de dernière ligne droite. L’existence étant faite de trop de détours et de tournants, parler ainsi de ligne droite (et en plus d’une dernière !) pour décrire ce qui t’attend n’est simplement pas vrai ! Tous les sacrements (et l’ordination en fait partie) nous aident à nous mettre en position, « en vue » de Jésus-Christ. Les disciples d’Emmaüs reconnurent le Christ présent au milieu d’eux au moment du pain rompu, béni et donné : « Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent… » (Luc 24, 30). Les sacrements appellent l’Église à entrer dans le mystère de la foi. Ce n’est certes pas toujours facile de croire. Dans la 1ère épitre aux Corinthiens (13, 8-13), Saint Paul, reconnait lui-même que « nous voyons actuellement de manière confuse », que « notre connaissance est partielle ». Tu es ordonné diacre dans une période de grande confusion, et qui par beaucoup d’aspect manque de clarté. Mais face à cela, Saint Paul ne place pas son existence dans une perspective de dépression ou de cynisme, mais dans l’horizon de ce qu’il appelle « l’achèvement ». Qu’est-ce que « l’achèvement » pour lui ? Voir « Dieu, face à face », « le connaitre parfaitement, comme j’ai été connu ». Notre vocation est donc pour lui d’aimer Dieu, et de nous savoir aimé de lui. Ni plus ni moins ! Je le crois : tu sauras décliner cet acte de foi avec toutes les nuances que l’existence t’enseignera, avec l’appui de l’Esprit-Saint.
Ordonné diacre « en vue » de l’ordination presbytérale, tu seras ordonné prêtre « en vue » de Le reconnaître et de L’aimer. C’est donc autant un chemin qu’une fonction. Tu souffriras parfois de l’apparent silence de Dieu. Notamment à l’heure d’affronter les mystères douloureux de ta vie et de ceux que tu auras la grâce de croiser ! Mais tu chériras aussi les mystères joyeux, lumineux et même glorieux de ton existence. Tu sauras alors te mettre à l’unisson de ces mêmes disciples d’Emmaüs, et avec eux rendre grâce des dons reçus, jusqu’à ton dernier souffle : « Mon cœur n’était-il pas brûlant tandis qu’Il me parlait sur la route et m’ouvrait les Écritures ? » (Luc 24, 32).
Je ne veux pas te prodiguer de conseils. Durant ta longue formation beaucoup t’ont éclairé sur toutes sortes de sujets. Sache que je prie autant pour toi qu’avec toi. À l’heure de ton engagement, je t’abandonne en présence de Jésus-Christ et je lui laisse la Parole :
« Viens, suis-moi ! »
Fraternellement,
P. Michel Protain