Le roi David pouvait enfin prendre ses quartier dans sa maison. Dans son palais flambant neuf, en cèdre, on l’imagine accoudé à des poufs, en grignotant des grains de raisins. Confiné, l’ennui et l’inaction commencent peut-être à le ronger. Car il est conscient qu’il n’est pas à cette place pour rien. Lui qui n’était il n’y a pas si longtemps qu’un obscur petit berger, a gravi tous les échelons jusqu’à la royauté. Mais il a fallu pour cela un piston d’envergure : celui du Seigneur lui-même ! Il est donc confronté à un problème de conscience. S’il vit tranquillement dans son palais, le Seigneur, lui, n’a pas de résidence digne de ce nom. Devant ce constat, David ne veut pas rester les bras ballants. Il envisage donc de construire au Seigneur un temple pour l’abriter l’honorer. Très bien ! Mais Dieu ne va l’entendre de cette oreille.
C’est Dieu qui bâtit la maison
Pour Dieu, ce temple ressemble un peu à la piécette que l’on donne au mendiant, non pas pour l’honorer mais plutôt pour le maintenir à distance. Par l’intermédiaire du prophète Nathan, Dieu fait savoir ceci : on ne l’enfermera pas si facilement dans une boite, même dorée ou en cèdre. Dieu, un peu comme nous, déteste qu’on le mette au placard.
On peut regretter que les textes de notre liturgie dominicale soient parfois tronqués : dans une logique qui m‘échappe, on opère des coupes dans le texte. Je me suis plongé dans la bible. Ainsi dans la première lecture, les versets 6 et 7 du chapitre 7 du deuxième livre de Samuel ont été retirés du texte. Les voici : « Depuis le temps où j’ai fait monter d’Égypte les fils d’Israël, et jusqu’à ce jour, je n’ai jamais habité dans une maison » et « j’ai été comme un voyageur, sous la tente qui était ma demeure. » Que signifient ces deux versets ? Que Dieu n’a pas eu besoin de maison, de palais pour être avec son peuple. Dieu est « un voyageur » qui ne se laisse pas enfermer dans nos petits projets, même les plus grandioses. Dans une simple tente dans le désert, Dieu a réalisé plus de choses que tous les empires réunis. Ce n’est pas David qui construira une maison pour le Seigneur, c’est le Seigneur qui lui bâtira une maison pour lui et sa descendance. C’est Dieu qui nous accueille dans sa maison, c’est Dieu qui nous invite à son festin, comme nous le chantons parfois.
Dieu n’interdit pas à David de construire des églises ou des cathédrales, mais il rappelle que si « l’Éternel ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain » (Psaume 127). Comme dit le psaume du jour (psaume 88), David est d’abord appelé à reconnaître en Dieu son « Père », son « Dieu », son « roc », son « salut ». C’est l’amour du Seigneur qui est « bâti pour toujours » et qui offre le refuge le plus sûr. C’est dans ce temple spirituel fait de chair et non de pierre, et dont le ciment est la charité, que Dieu fait sa demeure.
Marie accueille le Seigneur
Ce « mystère », comme dit saint Paul, Marie le connaissait. Quand Dieu entre chez Marie, Dieu est chez lui. Ce n’est pas le temple de Jérusalem ou le palais de l’empereur : c’est une humble maison de Nazareth en Galilée. C’est dans cette demeure, dans le sein de cette femme admirable que Dieu est « Emmanuel », « Dieu parmi nous ». Dieu est chez lui partout où la porte lui est ouverte. Et Marie avait évidemment un cœur ouvert à ce Dieu. Marie et Joseph ne trouveront pas de place à l’auberge pour la naissance de leur enfant, mais dans une mangeoire. Tout le monde n’a pas un cœur aussi grand que celui de Marie ou de Joseph. Dieu est vraiment ce voyageur qui pose ses valises dans la demeure de Marie et de Joseph. Tout simplement parce qu’il y était le bienvenu. Et nous ? Est-ce que Dieu est le bienvenu dans ma maison ? Est-ce que je le prie de venir prendre place dans notre foyer ? À la veille de Noël, y-a-t ’il une place pour le Seigneur dans ma vie ? Est-ce que je le maintiens à distance, en lui demandant de ne pas trop me déranger ?
Seigneur, sois le bienvenu dans notre vie ! Je te ferai un peu de place, parce tu es comme un voyageur et tu aimes rencontrer les gens. Tu ne t’imposes pas, mais à celui qui ouvre la porte de son cœur à ta présence, tu lui fais connaître cette grâce de mieux te connaitre et t’aimer. En ouvrant notre bible ou en accueillant ceux qui ont faim et soif de chaleur humaine et de réconfort spirituel en ce temps de pandémie, rend nous disponible comme Marie à ta Parole. Nous sommes tes servants : que tout advienne selon ta Parole.
Père Michel Protain