Bravo !
Heureux qui craint le Seigneur
Et marche selon ses voies !
Tu te nourriras du travail de tes mains
Heureux es-tu ! À toi le bonheur !
Le psaume de ce dimanche (Ps 127) nous pousse à réfléchir sur la manière que nous avons de travailler, d’œuvrer pour le bien de tous. Car la vie chrétienne ne se satisfait pas de piété ou de bons sentiments, elle est action concrète. C’est ce qui la rend vivante.
La première lecture tirée du livre des Proverbes au chapitre 31, fait l’éloge d’une femme d’action dans le Moyen-Orient ancien. Pour sa famille, ses voisins, elle est « parfaite », « précieuse », pleine de « ressources ». Le résumé du chapitre 31 du livre des proverbes proposé par notre liturgie ne présente qu’une version tronquée du texte original. En le lisant, nous pourrions penser que c’est avant tout comme mère et épouse qu’elle est présentée. Mais en complétant le texte avec les versets manquants, le portrait prend une tournure plus riche et plus dynamique. Plus féministe peut-être. Il s’avère alors qu’elle exerce ses talents comme une entrepreneuse qui « réfléchit avant d’acheter un champs », et qui « paie une plantation avec l’argent qu’elle a gagné ». Cette femme a les pieds sur terre et possède une autorité naturelle : elle « respire la force et la dignité et regarde l’avenir avec confiance ». On est loin du cliché d’une femme confinée au seul foyer et soumise à l’arbitraire des hommes. Une énergie incroyable se dégage de ce personnage anonyme. Sa famille la complimente : « Beaucoup de femmes sont courageuses, mais toi tu les surpasses toutes ! »
Le portrait est peut-être un peu trop idéalisé pour que nous adhérions totalement. Mais je ne peux m’empêcher de reconnaître dans cette femme pleine de sagesse pratique tous ceux et celles qui essaient d’œuvrer positivement autour d’eux, pour le bien de tous. Doués de talents petits et grands, ils sont « sel de la terre et lumière du monde ».
Autour de nous, nous pouvons reconnaître des gens qui lui ressemblent. Savons-nous reconnaître le « fruit de leur travail » ? Quelle est la dernière fois que nous avons complimenté quelqu’un pour ce qu’il(elle) accomplit, même humblement ?
Dans la seconde lecture, Saint Paul félicite lui aussi les habitants de Thessalonique (Lettre aux Thessaloniciens 5, 1-6) qui par leur vigilance ont pu « se tenir hors des ténèbres », leur permettant d’affronter les incertitudes de l’existence et les « catastrophes ». « Fils de la lumière, fils du jour », ils restent éveillés, refusant d’être surpris en train de ronfler aux heures difficiles.
Dans l’Évangile (Matthieu 25, 14-30), la célèbre parabole des talents est le récit d’une mission délicate donnée par un maître à trois de ses serviteurs : gérer en son absence chacun un certain nombre de talents (petit rappel : un seul talent représente environ quinze ans de salaire). Le maître, à son retour, complimente deux d’entre eux. « Bons et fidèles », ils sont jugés dignes de confiance. Avec mention « Très bien », ils peuvent passer à la classe supérieure, « la joie de leur Seigneur ».
Nous nous méfions naturellement des compliments trop marqués. Ils peuvent certes être parfois une manière de nous manipuler, en cultivant notre égo. Mais je suis aussi convaincu qu’ils ont le pouvoir de changer une vie. Il est temps de complimenter ces héros bibliques.
La femme du livre des proverbe mérite nos compliments, car l’impact de son existence envers ceux qui l’entoure est tout simplement extraordinaire : « Elle tend la main vers la quenouille, ses doigts dirigent le fuseau. Ses doigts s’ouvrent en faveur du pauvre, elle tend la main au malheureux ». Chez elle, compétence et charité marchent ensemble. Bravo !
Les Thessaloniciens ont fait fructifier, non pas des talents, mais la foi de leur communauté. Vigilants et sobres, ils sont désormais assez solides pour affronter les pires tempêtes. Bravo !
Les bons serviteurs de la Paraboles ont su vaincre leurs hésitations et leurs craintes en recevant la confiance de leur maître. En prenant des risques, à force très certainement d’échecs et de réussites, ils ont mis en valeur le bien dont ils avaient la charge. Bravo !
Aujourd’hui, dans ce confinement, nous n’avons peut-être pas l’impression de toujours nous rendre utile, ou même de pouvoir donner un sens à tout cela. Nous pouvons même, à l’image du serviteur craintif, enterrer nos talents qui deviennent cachés. En privant le monde de cela, nous ne sommes pas des serviteurs dignes du maître. Nous devons aussi nous donner la mission de complimenter ceux qui essayent d’être, comme dit le psaume 127 « dans la maison comme une vigne généreuse et autour de la table comme des plants d’olivier ». Oui, nous le croyons, nos vies peuvent porter des fruits, même dans l’adversité. Alors que nous ne pensons plus à applaudir aux fenêtres les âmes généreuses qui luttent dans l’ombre contre la Covid, n’oublions pas d’encourager les initiatives autour de nous. Faisons notre la prière d’ouverture pour l’Eucharistie de ce jour :
« Accorde-nous Seigneur, de trouver notre joie dans notre fidélité : car c’est un bonheur durable et profond de servir constamment le créateur de tout bien. »
Michel Protain
Paroisse Saint-Stanislas des Blagis