Samedi 2 février 2019, Samuel Pommeret, chargé de mission au CCFD- Terre Solidaire, était invité à Bagneux pour tenir une conférence sur l’accaparement des terres au Congo et la lutte des petits paysans.
Il nous a rappelé en préambule que la République Démocratique du Congo – RDC – est un pays d’une immense superficie, avec le deuxième bassin forestier du monde. C’est aussi un pays dont le sous-sol regorge d’importantes ressources minières.Longtemps colonie belge, ce pays va connaître une période très agitée après son indépendance, gouverné par des régimes politiques souvent corrompus et miné par deux guerres civiles très meurtrières.
Sur le plan économique, la production de l’huile de palme a toujours été emblématique en RDC. Implantée depuis longtemps, la firme agro-alimentaire Unilever a revendu en 2009 ses exploitations – qui s’étendaient sur plus de 107 000 hectares – à une société canadienne, FERONIA. Pour améliorer la production et opérer dans une démarche qui se voulait éthique, FERONIA a fait appel à des financements provenant de plusieurs agences de développements européennes, dont l’agence française de développement (AFD), qui investissent via un fonds logé dans un paradis fiscal, l’île Maurice.
Si l’objectif louable de ce projet est de lutter contre l’insécurité alimentaire, la situation sur le terrain est catastrophique : conditions de travail déplorables – avec violation du droit du travail et emploi des enfants -, avance sur salaire avec taux d’usure, violences physiques contre les travailleurs et les riverains, violation du droit au sol avec non-respect du bornage des terres, etc.
Par ailleurs, les populations locales n’ont plus de terres pour la culture vivrière, autrement dit pour se nourrir.
Dans ce contexte de grande violence, des associations locales ont contacté des ONG (dont le CCFD) pour qu’elles alertent les agences de développement sur leur responsabilité de cet état de fait.
Ainsi, le CCFD demande à ces agences de développement – qui prônent la responsabilité économique et sociale – de mettre en place des espaces de rencontre avec les populations concernées.
Interpellées par ces informations néfastes à leur notoriété et à l’éthique de leurs missions, les agences ont mis en place un mécanisme de réception de plaintes et récemment l’une d’elles, déposée par le CCFD, a été déclarée recevable et devrait déboucher sur la nomination d’un panel d’experts pour arriver à une démarche de médiation.
Depuis plusieurs années, le CCFD fait le constat que les agences de développement, en privilégiant le financement indirect des entreprises privées pour lutter contre l’insécurité alimentaire, n’ont pas adopté une vraie politique de maîtrises des risques sociaux, environnementaux, éthiques et fiscaux. Il s’en suit une dilution des responsabilités, une opacité des circuits génératrice de dévoiements des pratiques de développement économique équitable.
Pour le CCFD, l’agro-business n’apparait pas comme un modèle viable pour résoudre les problèmes alimentaires des pays en difficulté. Face à cette situation, le CCFD mène une double action : alerter les agences de développement sur les dérives de leur mission, et sur le terrain, travailler avec toutes les associations – en s’appuyant notamment sur les aspirations des femmes à un meilleur statut – pour les aider à obtenir des conditions de vie décentes et une vraie souveraineté alimentaire.
Claude Desplanches