Mongo le 4 avril 2011
Chers tous, famille et amis, vous tous qui m'êtes si chers.
Voici des nouvelles de Mongo en Guinée-Conakry, mission que j'ai rejointe le 11 janvier, après avoir quitté la France et atterri à Conakry le 5 janvier où j'ai été merveilleusement accueilli par les confrères spiritains. L'aspect visible de la capitale, que j'ai connu lors de mon séjour à koundara de 1997 à 2003 n'a pas changé : intense circulation – voitures et camions d'un autre siècle mais toujours roulants, surchargés, polluants – bouchons à n'en plus finir – klaxons et bruits permanents … La vie des habitants s'enfonce dans la précarité et la pauvreté, l'eau et l'électricité ne marchant que quelques heures par jour (j'ai visité les sœurs de Cluny, voisines du palais présidentiel, qui ne sont pas mieux loties pour autant). Tout le monde doit vivre, ou plutôt survivre, avec le système D.
Mongo est un tout petit village de la Guinée Forestière, dominé par l'église Saint Michel construite sur une petite butte, et où la vie est rythmée par le marché hebdomadaire du vendredi. Le paysage est constitué de plaines arrosées souvent par un cours d'eau et de collines plus ou moins escarpées. La nature est souvent luxuriante, bénéficiant d'une grande pluviométrie ; néanmoins de grands feux de brousse mettent à mal l'environnement et appauvrissent le sol. La saison des pluies, prévue fin avril, semble cette année plus précoce puisque nous avons bénéficié d'abondantes pluies dès le début de mars. Les habitants (les Kissis) habitent de petits villages très dispersés sur toute l'étendue du territoire. Ils cultivent du riz dans les bas-fonds (riz inondé) ou sur les collines (riz de montagne), ainsi qu'un peu d'arachide, de maïs, de patates et d'aubergines dans les jardins. Pour les arbres fruitiers, il y a des plantations de caféiers, de cacaoyers, de palmiers à huile, sans compter les bananiers, les manguiers, papayers, orangers, … La nourriture quotidienne, midi et soir, est le riz. Pourtant dans cette région favorisée, la période de soudure, en fin de saison, avant les récoltes, reste délicate pour de nombreuses familles.
La mission de Mongo a fêté son centenaire début mars 2010, et pourtant nous sommes encore en 1ère évangélisation. En effet l'Eglise de Guinée a vécu la persécution sous Sékou Touré (surtout de 1967 à 1984) qui a mis à mal des débuts prometteurs (lire à ce sujet le livre très documenté de Gérard Vieira : "l'Eglise catholique en Guinée, à l'épreuve de Sékou Touré 1958 – 1984" collection "mémoire d'Eglises", édition Karthala, que vous trouverez en vente à la librairie spiritaine, 30 rue Lhomond 75005 Paris). De plus, notre région a subi des attaques de rebelles sierra-léonais dans les années 2000 qui ont amené, outre de grands saccages et dégradations, de nombreuses sectes. Ainsi, dans chaque petit village, se côtoient deus, trois religions et même parfois plus !
Actuellement, la paroisse de Mongo est divisée en 5 zones, ce qui représente 27 communautés, et chaque communauté regroupe plusieurs villages plus ou moins proches, importants et faciles d'accès ! Avec Victor, mon jeune confrère sénégalais, notre travail est donc de visiter régulièrement toutes ces communautés et d'assurer tout un travail de formation et d'animation (catéchistes, éducateurs, …). Un gros effort est fait au niveau de l'éducation (47 maternelles), au niveau de l'agriculture avec l'aménagement de bas-fonds (rizière) et au niveau de l'eau (aménagement de source améliorée).
Mon cadre de vie passant de la capitale française à la brousse africaine, vous devinez que je dois faire quelques adaptations et me plonger dans la culture "kissi". Concrètement, voici quelques exemples :
1. Utiliser les routes qui ne sont que de mauvaises pistes, non entretenues, sur lesquelles la vitesse moyenne ne dépasse pas 15km/h. Il vaut mieux avoir un bon dos et une bonne santé pour circuler, ainsi qu'une bonne voiture (nous en disposons de 2, dont une vieille Hilux qui ressemble plus à une poubelle et qui ne fait que tomber en panne ; l'autre une Land Cruiser, a déjà plus de 15 ans !!)
2. Les moyens de communication sont pratiquement inexistants. Pour avoir le réseau téléphonique et internet, il faut se rendre à la ville voisine, Guéckédou, à 17 km (à 1 heure de temps !). Nous y allons de temps en temps pour les courses (GO, souvent en rupture ; ciment, etc. …). J'en profite pour vous remercier pour tous vos messages ; mais vous devinez que ne disposant que de peu de temps au cyber, je ne peux répondre à tous : vos nouvelles me sont pourtant très précieuses et réconfortantes.
3. La langue couramment utilisée est le Kissi. Le parler français est réduit et rudimentaire (la langue officielle est le français mais l'éducation est très faible). Il faut donc traduire ou mieux, parler Kissi ! Mais vous connaissez mes difficultés pour l'apprentissage des langues étrangères. J'essaie néanmoins de me lancer et de baragouiner quelques prières de la messe en Kissi. La langue sera toujours pour moi une barrière. Heureusement, les Kissis sont accueillants et chaleureux (alors ils me disent que bientôt je parlerai bien kissi !) ce qui permet des rencontres toujours agréables et enrichissantes.
Les gens vivent donc très simplement et pauvrement, au jour le jour, avec le fruit de leur récolte. Les soirées se passent calmement à parler, au clair de lune, car les loisirs sont plus que limités (parfois dans le village, grâce à un groupe électrogène, il y a un vidéoclub, et encore plus rarement une antenne parabolique). Les Kissis ont l'air d'avoir abandonné toute leur coutume (sauf semble-t-il une période dans la forêt sacrée au moment de l'excision), ce qui me change beaucoup des magnifiques fêtes traditionnelles auxquelles j'ai pu assister chez les Malinkés, Bedik, Bassaris et Coniaguis.
Alors pour ceux qui auraient le désir de me rendre visite, ne soyez pas pressés (rappelez-vous les 15 km/h ; vous pouvez aussi utiliser les taxis-motos – on est souvent 3 sur la moto !) ; munissez-vous de tout ce dont vous aurez besoin et qui ne se trouve pas à Mongo, et soyez sûrs d'aimer le riz ! Mongo vous offrira l'air pur, le ciel étoilé, le calme, une nourriture 100% bio et les pistes du Paris-Dakar !
En terminant, je voudrais remercier tous ceux qui m'ont permis de pouvoir aider la mission en arrivant ici. Grâce à vous, Victor et moi avons pu :
– Acheter 2 pneus pour notre 4X4.
– Acheter une brouette et du matériel de jardinage.
– Faire les finitions (crépissage et douche) d'un bâtiment d'accueil de 2 chambres.
– Construire une petite porcherie pour notre auto-financement.
– Faire de nombreux dépannages et bricoles !