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HOMELIE DU PERE ALAIN DU DIMANCHE 13/02/11
VI dimanche temps ordinaire
Le passage de l’évangile de Matthieu que nous lisons aujourd’hui, appelé aussi discours des antithèses, fait suite au Sermon sur la Montagne ;
Jésus y aborde la question décisive du rapport entre lui et la Loi.
« Ne pensez pas que je suis venu abolir… mais accomplir ».
Voilà l’un des maitres mots de St Matthieu : accomplir.
Il vise ce grand projet que Paul appelle ‘le dessein bienveillant de Dieu’ ; et si le mot est de St Paul, l’idée remonte beaucoup plus loin que lui.
Depuis Abraham, toute la bible est tendue vers cet accomplissement. Le chrétien normalement n’est pas tourné vers le passé, mais vers l’avenir. Et il juge toutes les choses de ce monde en fonction de l’avancement des travaux, entendez l’avancement du Royaume.
J’emploie volontiers l’analogie de la construction, puisqu’elle nous inscrit dans la dynamique de notre thème d’année:
‘Bâtir sur le roc’.
Nous sommes une communauté qui se construit, une paroisse en chantier.
Quelqu’un disait : « la messe chaque semaine, c’est la réunion de chantier du Royaume », le lieu où on fait le point sur l’avancement de la construction.
Et réellement le Royaume avance, lentement mais sûrement.
C’est le cœur de notre foi.
Bien sûr cela ne se juge pas sur quelques dizaines d’années : il faut regarder sur la longue durée.
Dieu a choisi un peuple comme tous les autres, il s’est peu à peu révélé à lui et, après coup, on est bien obligé de reconnaitre qu’un énorme chemin a été parcouru.
Dans la découverte de Dieu, d’abord, mais aussi dans la relation aux autres hommes ; les idéaux de justice, de liberté, de fraternité remplacent peu à peu la loi du plus fort, la loi du talion et l’instinct de vengeance.
Ce lent travail de conversion du cœur de l’homme a été l’œuvre de la Loi donnée par Dieu à Moïse.
Les 1er commandements étaient de simples balises disant le minimum vital, en quelque sorte, pour que la vie en société soit simplement possible : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas tromper…
Puis, au long des siècles on avait affiné la Loi, on l’avait précisée, au fur et à mesure que les exigences morales progressaient.
Jésus s’inscrit dans cette progression pédagogique de Dieu. Il ne supprime pas les acquis précédents, il les affine encore :
« on vous a dit… moi je vous dis… » :
Pas question de gommer les étapes précédentes, il s’agit d’en franchir une autre :
« je ne suis pas venu abolir, mais accomplir ».
1ère étape, tu ne tueras pas ;
2ème étape tu t’interdiras même la colère et tu iras jusqu’au pardon.
D’où cette recommandation d’interrompre le culte jusqu’à ce que soit rétablie l’harmonie de la réconciliation et de l’amitié.
Dans un autre domaine :
1ère étape, tu ne commettras pas d’adultère en acte ;
2ème étape, tu t’interdiras même d’y penser et tu éduqueras ton regard à la pureté. Enfin, en matière de promesses :
1ère étape, pas de faux serments, 2ème étape, pas de serments du tout, car le serment est une usurpation, un abus de l’autorité de Dieu, appelé à couvrir le manque de véridicité des paroles et des engagements humains!
Or du moment où l’on est véridique, point n’est besoin de serment…
Que toute parole de ta bouche soit vraie !
Dans chacun de ces domaines, Jésus nous invite à franchir une étape pour que le Royaume vienne.
Il ne suffit pas de dire « que ton Règne vienne » : nous avons à y contribuer, petitement mais sûrement.
Chaque effort que nous réalisons vers l’unité fraternelle, participe de l’accomplissement du projet.
Il s’agit donc d’aller plus loin, toujours plus loin dans l’amour : voilà la vraie sagesse !
Mais l’humanité a bien du mal à prendre ce chemin-là ! pire encore, elle se croit sage en bâtissant sa vie sur de tout autres valeurs.
Paul fustige cette prétendue sagesse qui fait le malheur des hommes :
« La sagesse de ceux qui dominent le monde et qui déjà se détruisent », lisions-nous dans la 2ème lecture.
Aux croyants est donnée une nouvelle « Loi » qui n’est pas faites de préceptes et de normes juridiques, mais d’un cœur et d’un esprit nouveaux.
Il ne s’agit pas d’une nouvelle casuistique, ou d’une nouvelle pratique juridique plus sévère encore que la précédente, mais d’une nouvelle façon de concevoir et de vivre sa relation à Dieu à l’autre.
La question ne porte pas sur le rapport entre observance de la loi et transgression, mais entre indifférence et amour. Autrement dit, Jésus essaye de nous faire comprendre que l’accomplissement parfait de la loi est l’amour des hommes entre eux et leur amour pour Dieu.
Il veut nous faire passer de l’interdit à l’impératif de l’amour. La phrase que nous entendons souvent répéter :
« j’ai la conscience tranquille, je n’ai fait de mal à personne » est à mille lieux de l’Evangile :
il ne suffit pas de ne pas faire le mal, il faut faire le bien.
Aux disciples de l’Evangile, il est demander de pratiquer l’amour et la justice. C’est ce que St Augustin exprimait dans une formule lapidaire : « aime et fais ce que tu veux ».
Sachons mettre l’amour au cœur de la Loi.
Père Alain CSps