du dimanche 26 septembre 2010
Paroisse des Blagis
Mgr Nicolas Brouwet
« Toi, l’homme de Dieu, cherche à être juste et religieux, vis dans la foi et l’amour, la persévérance et la douceur. Continue à bien te battre pour la foi, et tu obtiendras la vie éternelle ».
Le jour de l’installation du nouveau curé des Blagis, il est intéressant de méditer ces conseils de Saint Paul à Timothée, un de ses plus fidèles disciples.
Vous avez remarqué que Paul appelle Timothée ‘l’homme de Dieu’, c’est-à-dire :
– à la fois celui qui s’est consacré à Dieu,
– celui qui appartient à Dieu, qui a fait résolument le choix de Dieu ;
– mais également celui qui témoigne de Dieu par toute sa vie ;
– et donc, celui qui conduit à Dieu.
1/ Un prêtre, un curé de paroisse en particulier, est l’homme de Dieu,
non pas parce qu’il a fui le monde pour ne penser et ne parler qu’à Dieu,
non pas parce qu’il est seul à avoir tourné sa vie vers Dieu,
mais parce que, au milieu du monde, il a été choisi pour annoncer aux hommes et aux femmes auxquels il est envoyé,
qu’ils sont aimés de Dieu, que Dieu s’est fait proche d’eux,
que Dieu leur parle dans l’intimité de leur cœur.
Le prêtre est l’homme de Dieu parce qu’il parle de Dieu,
parce qu’il montre les chemins de Dieu,
parce que, par les sacrements, il donne la vie de Dieu,
parce que, comme un bon pasteur qui conduit à la pâture, il donne Dieu pour nourriture aux hommes qui ont faim.
Le prêtre est l’homme de Dieu aussi par sa proximité personnelle avec le Seigneur. Cela, même les Musulmans le savent. Ils respectent le prêtre. J’en ai eu moi-même de nombreux témoignages.
2/ Cette proximité, cette intimité avec le Seigneur, elle se manifeste par la piété et la justice d’un prêtre. Comme le dit St Paul à Timothée : « cherche à être juste et religieux ».
Etre religieux, cela signifie cultiver le don de piété. Un don du Saint-Esprit que nous avons reçu à la confirmation. La piété consiste à reconnaître que Dieu est notre Père ; et à se tenir devant lui comme un fils. La piété, c’est donc savoir reconnaître, dans sa propre vie, les dons de Dieu et le louer, lui rendre grâce pour cela.
Un prêtre est un père ; c’est d’ailleurs comme cela qu’on l’appelle.
Mais, avant d’être un père, il est d’abord un fils.
Avant d’être celui qui donne, il est celui qui reçoit, qui reçoit les dons de Dieu.
Ce serait un drame si un prêtre oubliait cela ; oubliait la grâce de la filiation ; oubliait son baptême. Oubliait qu’il n’est pas la source et que la source, c’est Dieu. Et que, lui, prêtre, il doit d’abord puiser à la source avant de donner à boire.
Voilà ce qu’est la piété : une attitude juste envers Dieu.
3/ Mais c’est aussi une attitude juste envers son prochain. Voilà pourquoi St Paul insiste à la fois sur la piété et sur la justice : « cherche à être un homme juste et religieux ». On ne peut pas être un homme religieux, vraiment tourné vers Dieu, si on n’est pas, dans le même mouvement, tournée vers les autres. Notre relation à Dieu intègre notre relation avec les frères et sœurs que Dieu nous donne ; sinon elle est faussée.
Et chercher la justice, c’est chercher à rendre à chacun ce qu’il lui faut, ce dont il a besoin pour grandir, pour avancer dans sa vie chrétienne. Pour un prêtre, c’est une question extrêmement importante. Car il est sans cesse en train de se demander s’il discerne bien, s’il fait les bons choix, s’il ne néglige pas telle catégorie de personnes, tel groupe ou tel mouvement.
Et la vertu de justice pour un prêtre, ce n’est pas de discerner à partir de ses préférences, ou de la perspective de son confort, ou de ce qui sera le plus facile, ou de ce qu’il connaît déjà ; mais de discerner en essayant de voir ce qui convient à chacun, ce dont chacun a besoin pour faire un pas en avant, à la suite de Jésus dans le service de l’Eglise et du monde.
4/ C’est la raison pour laquelle Paul ajoute : « Vis dans la foi et l’amour ». La foi et l’amour : voilà deux vertus théologales qui nous sortent de notre mesure humaine pour entrer dans la mesure de Dieu.
→ La foi nous fait adopter le regard de Dieu sur les personnes et sur les évènements.
Dans le ministère de prêtre, on peut n’avoir sur eux qu’un regard humain. Mais alors les personnes ne seront jamais assez parfaites et les évènements seront toujours cause de désillusion et d’amertume.
Ex : Les gens qui se présentent pour le baptême de leur enfant ne seront jamais assez croyants ; à une conférence organisée pendant le carême il n’y aura jamais assez de monde ; en début d’année les paroissiens ne seront jamais assez disponibles ; les décisions de l’évêque seront trop frileuses ou trop fantaisistes…
Par la foi, un prêtre, un curé pose le regard de Dieu sur les personnes qu’il rencontre. Il ne s’arrête pas aux impressions, aux apparences ni même aux incompréhensions ou aux différences d’opinions ; il voit d’abord l’amour de Dieu pour chacun d’eux ; il voit d’abord leur éminente dignité d’image de Dieu, d’enfant de Dieu ; il voit leur appel à partager la vie de Dieu.
Et par la foi il comprend les évènements non avec le regard du monde, mais dans la lumière de l’Esprit. Non dans la recherche de bénéfices, ou dans la recherche de sa propre gloire, non en comptabilisant les succès ou en visant une réussite éblouissante aux yeux des hommes. Mais comme un serviteur quelconque heureux d’avoir servi son maître et Seigneur.
Le regard d’un prêtre, c’est le regard du Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, c’est le regard de tendresse du Christ sur chaque homme, un regard qui guérit, un regard qui relève, un regard qui espère. Si St Paul dit à Timothée : « Vis dans la foi et dans l’amour », c’est parce que son disciple a reçu l’Esprit Saint, l’Esprit de charité qui le rend capable d’aimer de cette manière-là, dans la mesure démesurée de Dieu, au milieu des joies et des succès mais également au milieu des échecs et des contradictions, au milieu des critiques et des désillusions. En tenant bon, comme le dit St Paul « dans la persévérance et la douceur » ; c’est-à-dire avec force et fermeté mais toujours avec un parti pris de paix et de bienveillance. Quelle chance pour un prêtre de pouvoir refléter le visage doux et humble de Jésus !
L’amour du Christ est un amour qui transfigure les personnes et les évènements ; en se laissant habiter par cet amour un prêtre est capable de semer l’espérance dans les cœurs de ceux qu’ils rencontrent, de ceux avec lesquels il annonce l’Evangile.
Et c’est ainsi qu’il obtient la vie éternelle, comme le dit encore l’Apôtre Paul à Timothée. Parce que, dynamisé intérieurement par la foi, l’espérance et l’amour, il vit déjà, maintenant, de la vie de Dieu, de la vie éternelle ; et c’est cette vie qu’il peut donner, qu’il peut transmettre à ceux à qui il est envoyé.
Seulement, frères et sœurs, il ne le fera pas sans vous ou malgré vous. Il est vrai que, nommé par l’évêque, le curé est responsable de vous. Mais le contraire est aussi vrai : en quelque sorte, vous êtes responsables de lui. Si on grandit dans la vie de foi et d’amour, c’est aussi grâce à ses frères et sœurs, à ceux qui nous entourent et qui nous stimulent. Si un prêtre peut grandir dans le Christ, c’est bien souvent aussi parce qu’il est édifié par ses paroissiens qui l’évangélisent. Merci parce que vous accueillez ces prêtres et que vous en prendrez soin. Merci parce que vous les porterez dans votre prière et que vous les accueillerez comme des envoyés du Seigneur : des hommes de Dieu ministres et témoins de la bonté du Seigneur.
Amen.