A la demande de plusieurs paroissiens,
voici l’homélie du Père Rigobert, en ce dimanche 26 novembre 2006,34ème dimanche ordinaire .

Il subsiste encore à travers le monde quelques familles qui règnent. Citons par exemple Elisabeth II la reine d’Angleterre, Joan Carlos le roi d’Espagne, Mohammed VI le roi du Maroc…
Leur pouvoir est plus ou moins restreint selon le type du régime politique. Ici en France, le problème est depuis longtemps résolu ; la royauté se fait écimer. Que la République soit. Et elle fut. Vive la République !
Toutes ces familles royales deviennent la cible des médias. Moindre erreur de leur part défraie la chronique ; elles sont tour à tour acclamées et décriées, honorées et conspuées. Elles possèdent respectivement des gardes rapprochées, des châteaux, des domaines, des emblèmes. Bref, elles ont des fortunes accumulées des siècles durant.
Par rapport à ces rois et à tous leurs attributs respectifs, notre Jésus apparaît ridicule, il fait pâle figure. Il n’a ni protection rapprochée ni blindé, ni dollar, ni €uro, ni missile de croisière, encore moins un bouclier antimissile, même pas un gilet pare-balles. Pourtant nous le considérons comme notre Roi. Son emblème royal, c’est la croix , objet de supplice, cela n’arrange pas les choses.
S’il nous est donné en ce 34ème dimanche ordinaire de parler de la royauté de Jésus, il va sans dire que nous avons à nous interroger : pour qui ou de qui Jésus est-il Roi ? Est-il le Roi de l’univers ? Jésus est-il le Roi de notre Eglise catholique et romaine ? Est-il le Roi de toutes les Eglises qui se réclament de lui ? Est-il le Roi des Bouddhistes, des Musulmans, des Juifs, Hindouistes, Animistes… ?
Je répondrai : certainement pas ; peut-être pour être plus prudent, mieux vaudrait dire apparemment pas. Durant ses trois années d’activité, il n’a pas cherché à annexer des territoires pour son royaume, il n’a eu aucune vision ou ambition expansionniste du règne de Dieu ; il refusait toutes expéditions punitives contre soi-disant ceux qui ne suivaient pas le groupe des Douze.
Voilà qu’un jour Jean, tout enflammé, dit à Jésus : « Maître, nous avons vu un homme chasser les esprits mauvais en ton nom et nous avons voulu l’en empêcher parce qu’il n’appartient pas à notre groupe ». Jésus de répondre : « Ne l’en empêcher pas, car personne ne peut accomplir un miracle en mon nom et tout de suite après dire du mal de moi. Car celui qui n’est pas contre nous est pour nous… » ( Lc9,38).
Nous avons l’habitude dans cette paroisse de chanter un kyrie : Jésus, berger de toute humanité, tu es venu sauver ceux qui étaient pécheurs, chercher ceux qui étaient perdus et guérir ceux qui étaient malades. Voilà ceux pour qui peut-être il est Roi.
A la question de savoir si Jésus est Roi, je dis : oui, il est Roi, mais il n’est pas le Roi de ceux et celles qui se moquent royalement des autres, de leur espérance d’avoir eux aussi une place au soleil, d’être tenus en compte dans leurs aspirations, dans leur combats de chaque jour pour vivre ou pour survivre. Jésus Christ est Roi. Mais il ne saurait être le Roi de ceux qui, même en son nom, mènent une expédition punitive contre ceux qui vivraient en dehors de son idéal ; il ne sauraient être le Roi de ceux qui se croiraient les bien-pensants, les bien-portants, les marche-droit. Il est le Roi des malades, des égarés, des pécheurs… car c’est pour eux qu’il est venu.
Revenons à notre Eglise, une Eglise que nous aimons bien, sinon nous ne serons pas ce matin ici pour prier Dieu, lui rendre grâce pour ses bienfaits, le supplier d’intervenir dans nos vies respectives. L’impression générale qui se dégage des entretiens avec les gens, lors des préparations au baptême, mariage ou des causeries fortuites, est que ceux qui sont à la tête de notre Eglise semblent se moquer souverainement de nos désirs au nom de la tradition ou bien au nom de quelques écrits qui se trouvent çà et là dans la bible, sans chercher à avoir confiance dans l’Esprit Saint qui a déverrouillé la porte du cénacle et dit aux apôtres : allez, oust !.Si l’Eglise était une entreprise ou une société quelconque, elle serait depuis longtemps en faillite. Si l’Eglise n’est pas en faillite, c’est parce que dans cette Eglise même, il y a encore quelques fervents chrétiens et chrétiennes qui, avec leur simple foi, considèrent encore Jésus comme leur Roi. Si l’Eglise jusqu’à aujourd’hui ne fait pas son dépôt de bilan, c’est parce que et surtout, au cœur de cette Eglise, l’Esprit de Dieu, avec humour et sourire, continue de la conduire en dépit de nos bêtises humaines.
Je vais vous faire une confidence : nous qui sommes prêtres, nous qui avons acquis le goût de parler en chaire, nous sommes tellement habitués à vous parler, comme je le fais malheureusement en ce moment, que nous risquons de devenir seulement un organe : la bouche. Et la bouche, ça parle, ça n’écoute pas ; ce n’est pas sa vocation. Et lorsqu’on n’écoute pas, on se moque des gens. Et lorsqu’on se moque des gens, le Christ ne saurait être moi Roi, en tant que prêtre. Nous qui connaissons la parole de Dieu plus que quiconque, nous qui comprenons très bien la structure et la tradition de l’Eglise, de quel droit allez-vous nous parler ? Qu’est-ce que vous en savez, vous pauvres laïcs ? Chaque passage d’Evangile exige de nous un positionnement à avoir ? Moi qui suis chrétien, chrétienne, diacre, prêtre, évêque ou pape, le Christ est-il véritablement pour moi le Roi ? Si oui, je n’ai pas à agir comme ceux et celles qui se moquent royalement de la misère ou du malheur, de l’ignorance ou de l’incapacité des autres à comprendre ceci ou cela.
A la question de savoir si le Christ est le Roi de l’univers, je dois me positionner : Est-il oui ou non mon Roi ? Si j’accepte qu’il devienne mon Roi, le Christ doit en effet régner dans ce monde par moi. Par conséquent, je dois être dans ma famille, dans mon lieu de travail, sur les lieux de villégiature celui ou celle qui respecte, prend en compte les aspirations des uns comme des autres à vivre eux aussi au soleil, au soleil de midi.
Père Rigobert